21 septembre, 2006

Aux Nations Unies, le français n'est pas châtié mais puni reconnaît Kofi Ann


On trouvera ci-après le texte intégral du toast du Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, au dîner des francophones qui a eu lieu à New York le 21 septembre:

Permettez-moi tout d'abord, Monsieur le Ministre, de vous remercier de vos paroles amicales. La France est depuis toujours, et par principe, un allié fort et fidèle de l'ONU. Mais ce sont les excellentes relations de travail et d'amitié nouées avec ses dirigeants qui nous permettent de faire avancer ensemble certains des dossiers les plus difficiles dont s'occupe la communauté internationale. Je pense en particulier au rôle important que la France continue de jouer dans la résolution de la crise au Liban, mais aussi dans d’autres pays francophones, en Afrique notamment.

Je tiens aussi à vous remercier, Monsieur le Ministre, de votre généreuse invitation. Nane et moi sommes très heureux d'être ici ce soir, mais très émus aussi, car c'est notre dernier dîner francophone – du moins en ma qualité de Secrétaire général de l'ONU.

Je m’en voudrais donc de manquer à la tradition. Année après année, vous avez été les témoins patients de mes efforts en français. L'heure du bilan est venue. Il est temps d'évaluer 10 ans après les progrès accomplis et les défis qu'il reste à surmonter. Je compte donc sur vous pour identifier les priorités et les moyens à mettre en œuvre pour atteindre notre objectif commun, à savoir ma parfaite maîtrise du français, à laquelle je ne renonce pas.

Comme vous venez de le constater, je manie très bien la langue onusienne. Mais à l’ONU, le français n’est pas châtié, il est puni. Avant de pouvoir me comparer à vous, Monsieur le Ministre, et aux autres éminents orateurs qui sont dans cette salle, j'ai encore beaucoup à apprendre. Ma grande faiblesse restant la conjugaison.

Je sais certes conjuguer le tact avec la fermeté, la réflexion avec l'action. Je plaide parfois avec succès pour la conjugaison de nos efforts. Mais lorsqu'il s'agit des verbes, des influences négatives conjuguées me font perdre tout sens de la conjugaison. Pourtant j'évite le discours indirect, même s’il est un des grands arts de la diplomatie. J'évite aussi de me lancer dans la voix passive. Parce qu'étant homme d'action, la passivité n'est pas dans mon caractère. Mais surtout, parce qu'il faut toujours obtenir l'accord du participe passé.

Il faudra donc que vous m'absolviez pour peu que j'estropiasse pour quelque temps encore votre belle langue. Pourvu qu'un jour, je puisse dire à mes petits enfants: « Cette langue était la plus difficile que je connusse. Il ne semblait pas qu’il me fût possible de l'apprendre. Bien que je fisse d'énormes efforts, il s'en fallut de peu que je ne renonçasse à conquérir les caprices de ses temps et de ses conjugaisons. Heureusement, je sus m’entourer d’experts qui vainquirent mes réticences. Comment, sans eux, eussé-je pu y parvenir? »

Ensemble, nous pouvons faire face à toutes les difficultés. Ensemble, nous pouvons aborder l’avenir avec confiance. C’est fort de cette conviction que je vous invite à lever votre verre à la langue française qui a su bâtir tant de ponts entre les peuples.

Vive la France, vive la Francophonie, vive les Nations Unies.

Et maintenant, comme eut dit Vaugelas, je m'en vais ou je m'en va, car l'un ou l'autre se dit, ou se disent...