29 septembre, 2006

Jacques Chirac "pas pessimiste" sur l'avenir de la francophonie Reuters

Jacques Chirac n'est pas pessimiste sur l'avenir de la francophonie, qui sera majoritaire dans l'Union européenne après l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie, l'an prochain.

"Je ne suis pas pessimiste et je ne pense pas du tout qu'on puisse envisager un recul du français au niveau de l'Union européenne", a déclaré le président français vendredi, lors de la conférence de presse finale du XIe sommet de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), à Bucarest.

Le chef de l'Etat s'était fait remarquer lors du conseil européen de décembre 2005 à Bruxelles en se levant au début du discours de l'ancien président du Medef Ernest-Antoine Seillière, qui avait choisi de s'exprimer en anglais.

"Toute la francophonie a salué" ce geste, qui encourage "les gens à parler dans leur langue lorsqu'il y a une traduction simultanée", a fait remarquer, lors de la même conférence de presse, le secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf.

Avec l'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l'Union européenne le 1er janvier prochain, les pays membres de l'OIF deviendront majoritaires au sein de l'UE (14 sur 27).

"Il ne faut pas en tirer de conséquences excessives mais tout de même, la francophonie est reconnue et s'affirme", a dit Jacques Chirac.

Le combat pour le français "ne se fait pas contre l'anglais. Nous ne sommes pas dans une position d'agressivité", a souligné Abdou Diouf, pour qui "il ne s'agit pas de remplacer une hégémonie par une autre".

"Nous voulons défendre le français dans le cadre de la diversité linguistique et dans le cadre de la diversité culturelle", a-t-il dit.

L'Organisation internationale de la Francophonie veut peser sur la scène politique globale

Accueillis en Roumanie par le chef d'Etat Traian Basescu, dont le pays adhère à l'Union européenne dans trois mois, les dirigeants des 63 pays membres de l'OIF, dont le président français Jacques Chirac, se sont réunis pour un sommet de deux jours qui s'achève ce vendredi. Ils ratifieront la "déclaration de Bucarest" qui donnera une priorité d'action au Liban, à la Côte d'Ivoire et au Darfour (Soudan).


Sous l'oeil du Secrétaire général de l'OIF, le Sénégalais Abdou Diouf, le sommet a accueilli pour la première fois un président de la Commission européenne, le Portugais José Manuel Barroso. "L'Union européenne et la francophonie sont unis dans beaucoup de batailles, notamment la bataille pour le développement car beaucoup de nos partenaires d'Europe sont Africains. Ils sont au premier rang de notre priorité en matière de lutte pour le développement", soulignait jeudi M. Barroso. L'Organisation internationale pour la Francophonie compte quatre nouveaux membres (Andorre, Grèce, Albanie et Macédoine). L'OIF a en revanche rejeté la candidature du Soudan.

Source : Euronews
http://www.euronews.net/create_html.php?page=detail_info&article=382298&lng=2

Le Maroc et la Francophonie

Entretien avec Mohamed Othman Benjelloun

A l'occasion de la réunion du XIe Sommet de la francophonie qui s'est déroulé hier à Bucarest, Mohamed Othman Benjelloun, docteur d'Etat en sciences politiques et vice-président de l'Association africaine de sciences politiques, nous parle des relations du Maroc avec la francophonie.

Le Matin. – A quoi sert la francophonie institutionnelle aujourd'hui ?
Mohamed Othman Benjelloun.
Lorsque l'on parcourt la littérature produite par l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), la francophonie y est présentée, au plan culturel, comme une volonté «de renforcement du français comme outil et langue de communication internationale». Il est vrai que 29 Etats membres de l'OIF ont le français comme langue officielle et que dans d'autres, c'est le cas du Maroc, il est en cohabitation avec d'autres langues.

Au plan politique, la francophonie est présentée dans la littérature de l'OIF, comme une action « pour que les pays du Sud (…) acquièrent les moyens de maîtriser leur développement». A l'autre bout de l'argumentaire, la francophonie, pour son détracteur, «ne peut être dissociée de son processus génétiquement lié à la période coloniale, comme à celle de la décolonisation encore inachevée», comme l'explique l'écrivain marocain Mahdi El Mandjra. Pour l'observateur que je suis, la réalité objective de la francophonie institutionnelle se trouve aujourd'hui à mi-chemin entre ces deux visions.

– La francophonie est donc politique…

Indéniablement ! Au début, elle se voulait plus culturelle et technique. Mais c'était un petit club d'Etats. Avec le temps, au face à face très marqué des débuts de l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), entre anciennes colonies française et belge d'une part, et anciennes métropoles, plus le Canada et la Suisse, de l'autre, s'est substitué une triangulation, après la chute du mur de Berlin, et l'entrée en lice au sein de ce forum de pays ex-communistes.

C'est l'époque où, des entrailles de l'ACCT, est née l'Agence internationale de la francophonie (AIF). Cet élargissement à l'Est, en même temps qu'il élargissait le champ d'influence politique de la francophonie, constituait un réel défi pour l'AIF. Celle-ci se devait d'intégrer de nouvelles visions de la francophonie moins militantes, plus pragmatiques, car émanant de pays plus francophiles que véritablement francophones. Bref, la francophonie se mondialisait. En 2005, l'AIF devient Organisation internationale de la francophonie (OIF). Y sont membres ou observateurs pratiquement un tiers des Etats membres des Nations unies. Ce qui confère un poids politique certain à cette organisation.

– Quelles relations entretient le Maroc avec la francophonie institutionnelle ?

Il faut rappeler que l'ACCT a vu le jour en 1970. Le Maroc n'y adhérera qu'en 1981 en qualité d'Etat associé. Aujourd'hui, le Maroc est membre à part entière de l'OIF. Deux bémols politiques à l'appartenance du Royaume à la francophonie institutionnelle.

Primo, S.M. le Roi n'a jamais assisté aux sommets des chefs d'Etat de l'OIF. Il s'y est fait représenté par le ministre des Affaires étrangères et c'est le cas également au XIe Sommet de Bucarest. Secundo, contrairement à d'autres Etats membres de l'OIF, notamment africains, le dossier de la francophonie est traité par le ministère des Affaires étrangères et de la coopération et non par celui de la Culture. Ce traitement principalement politique et accessoirement culturel du dossier de la francophonie est de mise en France aussi, mais pour d'autres considérations on s'en doute, où c'est le département de la Coopération et non celui de la Culture qui y gère le dossier.

– Ce traitement politique de la question de la francophonie n'est-il pas lié à la situation culturelle et linguistique marocaine ?

Certainement. La complexité découlant de la diversité culturelle et linguistique du Maroc explique la réserve avec laquelle la question de la francophonie est abordée dans les sphères officielles. Le statut du français dans notre pays est ambigu.

Langue officieuse, aux côtés de l'arabe qui est la langue officielle au titre de la Constitution, le français concurrence l'arabe dans l'administration, à l'école, dans la rue et jusque dans les registres intimes. Cette compétition symbolique à huis clos entre arabe et français, provoque la colère des berbérophones militants qui considèrent qu'elle se fait au détriment de l'amazighe, pour la reconnaissance constitutionnel duquel ils œuvrent. Toutefois, si l'officialisation de l'amazighe paraît plus que probable à moyenne échéance, celle du français est totalement exclue, même à très long terme.

Quels sont les enjeux pour le Maroc de ce XIe Sommet de la francophonie qui se tient en ce moment à Bucarest ?

Les enjeux pour le Maroc sont ailleurs que dans la thématique qui a été retenue pour ce Sommet, à savoir : «Les technologies de l'information dans l'éducation ». Certainement, la délégation marocaine va faire connaître les progrès réalisés par le Maroc sur le front de la généralisation de l'enseignement, de la lutte contre l'analphabétisme et sur celui de la progression des nouvelles technologies de l'information de la communication (NTIC) dans notre pays ainsi que la convergence des avancées sur ces trois fronts.

Toutefois, en plus des discussions bilatérales visant le renforcement des relations entre le Maroc et les pays de la francophonie, il n'est point besoin d'être grand clerc pour deviner que la délégation marocaine mettra à profit cette occasion pour défendre, auprès des chefs de délégations, le point de vue du Maroc sur la question du Sahara et ce, à quelques semaines de la remise de la copie marocaine au Conseil de sécurité. Il faudra toutefois faire avec l'Algérie qui, bien que non membre de l'OIF, assiste au sommet de Bucarest en qualité de « pays invité spécial ». Ce statut devrait en principe limiter l'activisme anti-marocain du chef de la diplomatie algérienne. Quoique, avec nos voisins orientaux, sait-on jamais !

Mohamed Othman Benjelloun est l'auteur de « Projet national et identité au Maroc. Essai d'anthropologie politique ». Eddif-L'Harmattan, 2003.



Propos recueillis par Rachid Tarik | LE MATIN

21 septembre, 2006

Aux Nations Unies, le français n'est pas châtié mais puni reconnaît Kofi Ann


On trouvera ci-après le texte intégral du toast du Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, au dîner des francophones qui a eu lieu à New York le 21 septembre:

Permettez-moi tout d'abord, Monsieur le Ministre, de vous remercier de vos paroles amicales. La France est depuis toujours, et par principe, un allié fort et fidèle de l'ONU. Mais ce sont les excellentes relations de travail et d'amitié nouées avec ses dirigeants qui nous permettent de faire avancer ensemble certains des dossiers les plus difficiles dont s'occupe la communauté internationale. Je pense en particulier au rôle important que la France continue de jouer dans la résolution de la crise au Liban, mais aussi dans d’autres pays francophones, en Afrique notamment.

Je tiens aussi à vous remercier, Monsieur le Ministre, de votre généreuse invitation. Nane et moi sommes très heureux d'être ici ce soir, mais très émus aussi, car c'est notre dernier dîner francophone – du moins en ma qualité de Secrétaire général de l'ONU.

Je m’en voudrais donc de manquer à la tradition. Année après année, vous avez été les témoins patients de mes efforts en français. L'heure du bilan est venue. Il est temps d'évaluer 10 ans après les progrès accomplis et les défis qu'il reste à surmonter. Je compte donc sur vous pour identifier les priorités et les moyens à mettre en œuvre pour atteindre notre objectif commun, à savoir ma parfaite maîtrise du français, à laquelle je ne renonce pas.

Comme vous venez de le constater, je manie très bien la langue onusienne. Mais à l’ONU, le français n’est pas châtié, il est puni. Avant de pouvoir me comparer à vous, Monsieur le Ministre, et aux autres éminents orateurs qui sont dans cette salle, j'ai encore beaucoup à apprendre. Ma grande faiblesse restant la conjugaison.

Je sais certes conjuguer le tact avec la fermeté, la réflexion avec l'action. Je plaide parfois avec succès pour la conjugaison de nos efforts. Mais lorsqu'il s'agit des verbes, des influences négatives conjuguées me font perdre tout sens de la conjugaison. Pourtant j'évite le discours indirect, même s’il est un des grands arts de la diplomatie. J'évite aussi de me lancer dans la voix passive. Parce qu'étant homme d'action, la passivité n'est pas dans mon caractère. Mais surtout, parce qu'il faut toujours obtenir l'accord du participe passé.

Il faudra donc que vous m'absolviez pour peu que j'estropiasse pour quelque temps encore votre belle langue. Pourvu qu'un jour, je puisse dire à mes petits enfants: « Cette langue était la plus difficile que je connusse. Il ne semblait pas qu’il me fût possible de l'apprendre. Bien que je fisse d'énormes efforts, il s'en fallut de peu que je ne renonçasse à conquérir les caprices de ses temps et de ses conjugaisons. Heureusement, je sus m’entourer d’experts qui vainquirent mes réticences. Comment, sans eux, eussé-je pu y parvenir? »

Ensemble, nous pouvons faire face à toutes les difficultés. Ensemble, nous pouvons aborder l’avenir avec confiance. C’est fort de cette conviction que je vous invite à lever votre verre à la langue française qui a su bâtir tant de ponts entre les peuples.

Vive la France, vive la Francophonie, vive les Nations Unies.

Et maintenant, comme eut dit Vaugelas, je m'en vais ou je m'en va, car l'un ou l'autre se dit, ou se disent...